Le concept de l’impôt mondial sur les sociétés est basé sur 2 piliers.
Le pilier 1 cherche à introduire un impôt mondial spécifique sur les business en ligne.
Le pilier 2 cherche à introduire un impôt mondial en général. Dans un article précédent, nous avons déjà décrit le fonctionnement de ce dernier.
Cet article est consacré au pilier 1.
Pour résumer en une phrase, le but du pilier 1 est de créer un nouveau droit de taxation pour les états dans lesquels sont localisés les consommateurs de services digitaux.
La notion de service digitaux
Le pilier 1 se base sur la création de deux nouveaux concepts d’activités génériques :
- Les services digitaux automatisés (“SDA”) : il s’agit de services de toute nature, mis à disposition des internautes de manière automatique. C’est à dire avec une intervention humaine négligeable.
- Les Consumer Facing Businesses (“CFB”) – Cette catégorie cherche à attraper toutes les entreprises traditionnelles qui utilisent des techniques digitales pour s’implanter sur un marché sans y avoir de présence physique.
Quels sont les services digitaux automatisés ?
L’OCDE recense 9 catégories d’activités qui doivent être considérées comme des services digitaux automatisés. En parallèle, une liste dite « négative » de 5 activités est créée. Celle-ci a pour but d’exclure de la taxe certaines activités digitalisée.
Le liste des services digitaux automatisés
- La vente de données d’utilisateurs
- Les moteurs de recherches
- Plateformes de médias sociaux
- Plateformes d’intermédiations
- Les jeux en ligne
- Les services cloud
- Les formations en ligne, qui se comprennent comme l’éducation et qui ne demandent pas la présence physique d’un instructeur.
- La vente de contenu digitaux (musique, ebook, vidéo, textes, jeux, applications, journaux en ligne…)
Les exclusions : la liste négative
1. Services professionnels personnalisés;
2. L’enseignement en ligne personnalisé (ex: support client personnalisé);
3. La vente en ligne de services autres que les 8 services digitaux automatisés;
4. La vente de produits physiques ayant une dimension digitale (ex : internet des objets);
5. Les fournisseurs d’accès internet ou de réseaux similaires.
Qu’est-ce que le Consumer Facing Businesses ?
Il s’agit de la 2ème catégorie créée par l’OCDE. Comme expliqué, elle recouvre largement toutes les activités qui ont pour but de mettre à disposition d’un consommateur un bien ou un service ayant ces 3 caractéristiques :
- Bien ou service conçu principalement pour la vente aux consommateurs
- Rendu disponible pour une utilisation personnelle
- Développé pour être fourni de manière répétée aux consommateurs
Le Nexus : la règle de la source des revenus
Un nexus est un concept qui désigne un lien entre 2 choses. En matière fiscale, ce terme désigne un rapport entre une entreprise et un marché local. Dans le contexte du pilier 1, le nexus désigne les règles donnant droit à un pays de taxer du fait qu’une entreprise dispose d’une certaine quantité de présence digitale dans ce pays.
Pour cela, la règle de la source des revenus est retenue.
Selon la méthode de l’OCDE, une source de revenu est déterminée pour chaque catégorie de service digitaux automatisés. Cette source est déterminée grâce à une série d’indicateurs que le contribuable pourra choisir d’utiliser librement. Le but de cette liberté étant de réduire les coûts du contribuable en lui laissant choisir la méthode la plus simple à utiliser en fonction de son business modèle.
Voici la liste des sources retenues pour chaque type de service :
Source des revenus de publicité en ligne : Le critère à privilégier est celui du lieu de location en temps réel de celui chez qui est effectué une impression. C’est-à-dire la position de celui chez qui s’affiche la publicité.
Source des revenus de vente de données : Le critère à retenir ici est la localisation de l’utilisateur dont les données font l’objet d’une vente.
Source des revenus des moteurs de recherches et plateformes de médias sociaux : Ces plateformes sont majoritairement gratuites. Dans ce contexte, la publicité fournit la majorité des revenus à ces personnes. La méthode applicable aux publicités s’applique à ces plateformes.
Vente de produits digitaux: Le lieu de localisation de l’acheteur devrait être retenu. Ce lieu peut être trouvé par l’adresse IP, le pays de facturation ou l’indicatif du numéro de téléphone du client.
Formation en ligne: Les mêmes critères que ceux de la vente de produit digitaux sont applicables.
L’allocation des bénéfices aux juridictions :
La portion de profit taxable dans le pays de consommation est nommée le “profit résiduel”.
Ce profit résiduel est trouvé par une approche en 3 étapes (ci-dessous synthétisée en 2 étapes).
Étape 1: déterminer un seuil de profit
Cette étape consiste à déterminer un seuil de profit. Le bénéfice au delà serait le profit résiduel. Un ratio de profit avant impôt serait utilisé à cet effet.
Étape 2 : le pourcentage de profit résiduel
Une fois que le profit résiduel est déterminé, un % de ce dernier serait transmis aux juridictions de consommation. Cette fraction serait transférée en prenant en compte les règles de sources des revenus que nous avons décrites ci-dessus.
L’élimination des doubles impositions
Le montant taxable viendrait s’ajouter aux règles existantes de fiscalité internationale. Dans ce contexte, des doubles impositions pourraient avoir lieu. L’OCDE a imaginé un mécanisme qui viendrait compenser cet inconvénient. Le mécanisme est basé sur 2 composants.
Le composant 1
Ce premier composant s’occupe de savoir quelle est l’entité du groupe redevable de l’impôt. En effet, les activités digitales peuvent être exécutées par différents membres d’un groupe. D’autres membres d’un groupe peuvent n’avoir aucune activité digitale.
L’approche retenue par l’OCDE consiste en une analyse en 4 étapes visant à répartir la charge fiscale entre les membres d’un groupe.
Les étapes 1 et 2 servent ainsi à déterminer les payeurs. Les étapes 3 et 4 servent à répartir les charges fiscales entre les payeurs.
Étape 1 : le test d’activité
Ce test se propose d’identifier les sociétés du groupe qui contribuent à générer le profit résiduel. Ce test serait réalisé conformément aux règles de prix de transfert. Ainsi, une analyse des fonctions/actifs/risques des différentes membres servirait de base au calcul.
Étape 2 : Le test de profitabilité
Ce test aurait vocation à s’assurer que les entreprises ainsi désignées aient la capacité financière de supporter une nouvelle charge fiscale.
Étape 3 : Le test de connexion prioritaire au marché
Ce test cherche à allouer la charge fiscale en priorité aux membres qui ont le lien le plus étroit avec la juridiction de consommation.
Étape 4 : Le prorata
S’applique dans le cas où il subsisterait une charge fiscale à allouer. Lorsque l’entité ayant été désignée comme ayant une connexion prioritaire au marché (étape 3) n’a pas assez de profit pour solder l’impôt dû. Dans ce cas, un prorata répartirait la charge fiscale résiduelle entre les autres entités payeuses.
Le composant 2
Là où le composant 1 visait à trouver les doubles impositions, le composant 2 vise à les éliminer. Le rapport de l’OCDE suggère que l’impôt puisse être corrigé soit par un crédit d’impôt, soit par une exemption d’impôt.
Oui, il y aura donc des cas où ce calcul complexe aboutira finalement à une exemption. Dans ce cas le mécanisme proposé aura été totalement inutile.
Qui sera concerné ?
L’OCDE propose de limiter cette nouvelle imposition aux groupes dont le chiffre d’affaires mondial consolidé dépasse les 750 millions d’euros par an. En effet, selon l’institution, un seuil inférieur présenterait un coût administratif trop important par rapport aux gains potentiels.
Par ailleurs, un second seuil aurait pour but d’exclure de ce disposition les groups qui ne génèrent qu’un faible chiffre en provenance d’une juridiction particulière. Concrètement, cette juridiction n’aurait pas de droit de taxer une multinationale qui ne génère pas sur son territoire un seuil minimal de chiffre d’affaires.
Selon l’OCDE, cette imposition mondiale des services digitaux pourrait in fine ne concerner que de 150 à 900 sociétés dans le monde. Le nombre dépendrait des ratios et des clefs de répartition retenus. La mise en place d’un tel dispositif semble douteuse au regard du faible nombre de personnes finalement concernées. Par ailleurs, le chiffre de 150 à 900 ne prend pas en compte les optimisations futures qui auront lieu sans aucun doute.